Petits fragments de gratitude

, par Simon o Tarsier

Petits fragments de gratitude n°03

Si vous aimez l’art lorsqu’il va à l’essentiel, c’est-à-dire quelque part entre l’os et le nerf ;
Si vous avez envie de voyages singuliers, de ceux qui vous font visiter les lieux (du) commun(s) depuis la tête d’un Autre, pas banal de surcroît ;
Si vous pensez que la poésie est avant tout politique (ou l’inverse), et que vous aviez l’intuition que la mise en œuvre de l’oppression c’est bien souvent la souffrance de l’à-peu-près humain en proie avec la rectilignitude de la géométrie euclidienne ;
Si vous pressentiez depuis longtemps, c’est-à-dire toujours, que vos plus belles zones d’intimité abrasives se déployaient là où votre réticence au monde vient frotter à un monde qui se refuse ;
S’il vous plaît à vous de rire jusqu’aux larmes et l’instant d’après être ému jusqu’au même endroit ;
Si vous chérissez les mots, les textes et tout ce genre de chose : l’écriture et sa présence lorsqu’elle est incarnée par la voix et dévoyée par un corps ;
Alors laissez-vous conter la (non-musicale, qu’on en soit prévenu) "Histoire intime d’éléphant Man".
Oui, allez-y. Si ça passe près de chez vous. Ou même un peu loin, en fait.
Et pour tout cela, Fantazio, merci.

Petits fragments de gratitude n°04

Elle écrit comme en confidence, émiette les phrases du bout de ses doigts et il en tombe des boulettes de mie, des fragments d’or, des pépites de chocolat, des paillettes de strass, des résidus de fonds de tabac et d’infimes minuscules petits caillots de sang, de plomb, de verre, de rognures d’ongles. Chapelure pour nos viandes à nue.
C’est une sorcière, le sait-on ?, acuponcture de l’âme. Pose sa main au front des maux, apaise les tremblotements de nos méridiens, trouve les replis de nos peurs, dénoue nos silences à poings fermés et libère nos renflements de pleurs qui crèvent illico. Lorsqu’elle raconte que, elle divague souvent sur les chemins de l’enfance et en éclaire toutes les jubilations ordinaires, frugales et délicates, mais cette lumière accueille en creux son ombre, son double et ce qu’il y a de gouffres dans l’âge tendre, tendu de cordages, de licous, d’agrès, de gibets et de boyaux. Alors ses mélodies s’en viennent aux tempes qui restent dans les battements du deuil pour y psalmodier le chant des morts. Et te voilà — alors que tu ne l’espérais plus, ce cadeau à toi offert, tu n’y comptais plus — consolé.
Toute guérisseuse est jardinière. Ses chansons sont des graines-en-soi, petits pépins à conserver en son sein pour le temps où. Pour le temps où. Pour le temps où germer, pousser et refleurir. Pour le temps où sur les bas-cotés des chemins de déroute, renoncer, s’assoir, se rassembler. Pour le temps où il sera temps. Temps pour la traverse, le sentier, le layon, la tangente, l’échappée. Jusqu’au bord de l’eau. Jusqu’à la promesse de s’étreindre toujours pour ne jamais s’éteindre.
Et pour tout cela, Camille Hardouin, merci.